Le monde de l’animation, bien plus que celui du cinéma, a toujours souffert d’une concurrence déloyale due à un système à deux vitesses (voire plus). D’un côté, les grands studios d’animations (pour la 3D Pixar et Dreamworks, pour la 2D…euh…???) qui nous offrent chaque année au moins un film au budget démentiel et aux campagnes publicitaires souvent inversement proportionnelles à la qualité du produit, et de l’autre, des petits studios qui tentent leur chance dans un monde sans pitié car ne disposant pas du même marché que celui du cinéma traditionnel. L’année dernière, La véritable histoire du petit chaperon rouge avait créé la surprise grâce à un scénario drôlissime, enterrant les productions meanstream dans l’humour et la narration. Cette année, Le vilain petit canard et moi (un autre conte pour enfant revisité) pourrait-il l’imiter ?
LE VILAIN PETIT CANARD ET MOI
Un film de Michael Hegner
Avec les voix de Bruno Solo, M. Pokora, Leslie
Durée : 1h28
Date de sortie : 14 février 2007
Ratso (Bruno Solo) est un rat des villes fourbe et menteur en cavale. En pleine fuite, il atterrit dans une basse-cour, et dans un malheureux hasard, se retrouve à s’occuper d’un immonde caneton, appelé Mosh (M. Pokora).
Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps, la réponse est clairement non. Mais pour sa défense, les deux films ne jouent absolument pas dans la même catégorie. Là où le petit chaperon rouge se posait comme outsider honorable, ce vilain petit canard là fait carrément figure d’« issu des qualif’ », pour reprendre une expression sportive. Car il est quand même à signaler que cette relecture du conte d’Andersen est à la base une série télévisée de 26 épisodes de 26 minutes, diffusée sur Disney Channel, puis sur M6 il y a de ça déjà plusieurs mois. Et comme dans le monde de l’animation, un mois représente une année et que les films vieillissent à une vitesse supersonique, Le vilain petit canard et moi est sérieusement daté d’un point de vue visuel.
Dès lors, il est bien évident que le film ne supporte aucune comparaison possible avec d’autres métrages d’animation sortis récemment car ce qui peut être considéré comme du bon travail pour le petit écran souffre automatiquement dès qu’il est porté au cinéma. Passons donc sur l’aspect formellement plastique donc.
Le conte d’origine raconte comment un caneton rejeté de tous réussit à mener sa barque jusqu’au jour où il se rend conte qu’il n’est point canard mais cygne. Comme l’explique très justement un des réalisateurs, « cela ne fait pas un film » et voilà donc que le récit d’Andersen se trouve détourné en une sorte de road movie où notre quasimodo sur palmes se retrouve embobiné par un rat magouilleur voyant en lui une attraction de foire parfaite et qui, pour le convaincre, va se faire passer pour sa mère. Une idée de base plutôt intéressante donc, car prétexte à de nombreuses scènes de quiproquos au potentiel comique. Mais hélas, le film n’arrive pas à exploiter pleinement son pitch, la faute surtout à un manque d’ambition dans les enjeux narratifs.
En effet, même si les personnages arrivent à suivre une évolution plutôt cohérente (notamment celle de Mosh, passant de l’enfance à l’adolescence, découvrant l’amour la peine et la joie) et que le film bénéficie d’un rythme assez soutenu, l’ensemble reste bien trop prévisible et dénué de toute forme de prise de risque. Là où Le Petit Chaperon Rouge jouait la carte du fond avant la forme, le film de Michael Hegner quant à lui n’est ni irrévérencieux, ni touchant, ni triste, ni drôle, bref, il souffre d’une fadeur qui le rend au final complètement anecdotique. Pas mauvais non, mais sans plus d’intérêt que les épisodes télé de la série dont il est tiré.
De plus, malgré une prestation plutôt honorable de Bruno Solo qui en rajoute des caisses pour essayer de palier le statisme de son personnage, l’inexpérience de M. Pokora et de Leslie dans ce domaine se fait parfois sentir et les deux chanteurs, même sans être à côté du sujet, n’arrivent que très rarement à nous faire croire à leurs personnages.
Le vilain petit canard et moi est au final un film dont les gags feront surtout rire les plus jeunes qui n’ont pas encore eu la chance de découvrir les classiques du genre.
Pierre Delorme
source : http://www.dvdrama.com/news.php?18409&page=1